RENDU REALISTE EN DESSIN VECTORIEL (BIS)
Transparence réelle et Transparence simulée
 
par André PASCUAL
 
 
1 Préambule
En premier lieu, tranquillisons les esprits rigoristes: en informatique, il n'y a pas de réalité, seulement du virtuel, donc uniquement du simulé. Et cependant, il est impératif que la distinction entre deux modes de rendu de la transparence soit effectuée.
Lorsqu'il sera question d'un mode de rendu pris en charge par le logiciel et qui permet de voir un objet situé (virtuellement) sous un autre, on parlera de transparence réelle.
Lorsque ce mode de rendu est inconnu du logiciel de dessin et qu'il convient donc d'user de palliatif, de ruse, d'astuce... pour voir un objet situé sous un autre, on parlera de transparence simulée.
La puissance, sinon la qualité, d'un programme de dessin vectoriel se mesure, entre autres critères, a son aptitude à gérer efficacement ou non la transparence.
Artstream, Canvas,Corel Draw offrent cette fonctionnalité. Prochainement (ceci est écrit en juillet 2000) Sketch les aura rejoint.
 
2 Transparence réelle
Les exemples donnés par l'image ci-dessous devraient éclaircir le propos.
 
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Sur cette image, réalisée avec Artstream de Mediascape, qui gère la transparence, les deux types évoqués plus haut apparaissent.
Ainsi, l'accumulations de larmes de Tuxy a produit un niveau de liquide important au point de lui recouvrir quasiment les pattes. Or l'eau salée qui constitue les larmes est naturellement transparente. Pour rendre cet effet, il suffit de dessiner une forme remplie d'un aplat cyan, de la mettre au dessus des autres objets et de lui affecter une transparence logicielle.
 
L'image ci-dessous montre, à gauche, la structure (incomplète) de dessin à l'intérieur de l'object-manager, et à droite, les attributs de couleur de la flaque de larmes. Celle-ci est dessinée sur le calque appelé "Mer" qui se trouve tout au sommet de la pile des calques, même s'il apparaît inversement au bas de la liste. L'objet qui 'y trouve a reçu une transparence à 44% qui permet donc de voir les pattes de Tuxy, la partie immergée de la tige de la fleur et le pétale tombé, tous ces objets se situant sur des calques placés sous le calque "Mer"
 
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On vient d'évoquer ci-dessus ce qui sera appelé dans la suite de cet article transparence réelle.
 
3 Transparence simulée
Simuler, c'est faire semblant; c'est imiter. Une transparence simulée dans un dessin est donc un artifice donnant l'illusion de la transparence. C'est cet artifice qui a été utilisé pour représenter les larmes de Tuxy.
Un objet est rendu d'abord par sa forme et ensuite par sa couleur contenue dans la forme. Par définition, un objet transparent n'a pas de couleur propre, et il est invisible. Notre expérience de chaque instant nous dit que ce postulat est faux; s'il était vrai, nous ne verrions pas les verres ou les vitres, les gouttes d'eau ou les larmes.
En fait, ce que nous percevons n'est pas l'objet lui-même, mais la perturbation de la lumière en contact avec ces objets, un peu comme les astronomes perçoivent des planètes invisibles à la déviation de la lumière résultant de leur présence. Ainsi, une goutte d'eau sur un pétale de fleur projette une ombre visible, capte et concentre de la lumière en un point éclatant, et agit ailleurs comme une loupe qui exalte les détails du pétale sur lequel elle est posée.
Simuler une transparence en dessin, c'est mettre en place les trois phénomènes décrits ci-dessus. Toute la difficulté de l'entreprise réside dans une mise en place cohérente.
 
Dans d'autre cas de figure, la transparence d'un objet fortement éclairé le rend apparemment moins transparent à cause du reflet résultant. En fait, c'est notre oeil qui est ébloui et ne perçoit plus à travers l'excès de luminosité. Avec une luminosité moindre, on parvient encore à discerner le décor d'arrière-plan: l'objet est translucide.
 
Les logiciels de dessin vectoriel, aussi performant soient-ils, ne perçoivent pas ces subtilités provenant d'une lumière qu'ils ignorent; ils ne peuvent donc rendre correctement la scène, malgré les fonctions de gestion de la transparence dont ils disposent (pour un logiciel, la transparence n'est ni plus ni moins que la combinaison de couleur de deux pixels qui se "superposent").
Très souvent, comme le font les peintres, il faudra simuler la transparence.
C'est ce qui est fait pour la custode arrière, mise en exergue dans le détail circulaire, du dessin ci-dessous réalisé avec Sketch 0.63, qui ne gère pas la transparence.
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Cet exemple illustre les propos précédents. La partie de la custode la plus "proche" de l'observateur est très lumineuse: on ne voit pas à travers. La partie la plus "éloignée" et que l'on voit à l'intérieur du véhicule, est moins éclairée du fait de sa forme circulaire: elle laisse voir le décor, mais avec des couleurs altérée par la luminosité que le verre de la custode est censé contenir.
Tout ceci est donc simulation du réel, comme une aquarelle, ou une acrylique, un pastel...
Ni plus ni moins.
 
4 Les larmes de Tuxy
L'art de la pédagogie, je crois, réside dans le don de ses propres expériences et découvertes avec leur mode d'emploi afin que la répétition, et donc l'acquisition, soit possible. C'est empirique, certes, mais c'est en maniant le marteau que l'on construit des cathédrales, pas en débitant les lois de l'énergie cinétique qui sont appliquées sur la tête du burin quand le marteau vient le frapper.
Ainsi, la larme mise en exergue est construite dans Artstream en cinq étapes telles que montrées dans l'illustration ci-dessous:
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1 le bec avant mise en place, la lumière venant du coin gauche supérieur
2 tracer l'ombre du bord gauche de la larme: Stroke 4pt, Fade 100,Transp 0,5, No Fill , couleur R0.31 G0.12 B0.0
3 tracer l'ombre du bord droit: Stroke 8pt, Fade 100, Transp 0.6, No Fill , R0,2 G0,0 V0,0
4 tracer le reflet à gauche: Stroke 4pt, Fade100, Transp 0.25, R1 G1 B1
Fill Transp0.25 R1 G1 B1
5 tracer le reflet à droite: Stroke 6pt, Fade 100, Radius 1, No Fill, Transp 0.45, R1 G1 B1
6 illuminer le fond de la larme: Stroke 20, Fade 100, Radius 2, Transp 0.27, No Fill R1 G1 B0
 
Evidemment, les couleurs des ombres comme celle du fond de la larme ou de la goutte doivent être en rapport avec le support, ici le bec orangé de Tuxy
 
5 La déviation (réfraction)
Pourquoi se compliquer la vie et ne pas se contenter de la transparence réelle des logiciels? Tout simplement parce que cette fonction très utile pour fondre des éléments entre eux n'est pas apte à rendre la réalité.
Ainsi, si l'on se reporte à l'image du début, la tige de la fleur de même que les pattes de Tuxy ne devraient pas apparaître tels qu'ils sont sur cette image. En effet, tout liquide, tout corps transparent non plan, dévie les rayons lumineux et donne une vision déformée des objets devant lesquels il se trouve; selon la courbure de ce corps et son épaisseur, un effet de loupe se manifeste.
Quand il n'y a pas grossissement, les lignes droites se trouvent brisées. C'est particulièrement vrai pour des objets plongés dans un vase d'eau, qui apparaissent décalés à partir du ménisque.
C'est ce que montre l'image ci-dessous:
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Les tiges des fleurs en dessous de la surface sont décalées à partir de la bordure du ménisque, et cela d'autant plus que la vue sera plongeante. Il s'agit d'un phénomène optique appelé réfraction.
Les logiciels, en tout cas ceux de dessin vectoriel, ne savent pas rendre ce phénomène. Il convient donc de le reproduire "manuellement", c'est à dire encore une fois, de simuler une réalité de la transparence.
On émettra cependant un bémol à ce sujet en ce qui concerne Artstream. Encore une fois, ce logiciel se démarque du lot en proposant une fonction "Dyna Lens", dont l'objectif est de jouer avec les transparences et les dimensions d'objets placés l'un au-dessus de l'autre à la manière d'une lentille optique. Cette possibilité, difficile à mettre en oeuvre, aurait pu être utilisée sur l'image finale pour les pattes de Tuxy et la tige de la fleur plongés dans la flaque de larmes afin de simuler la réfraction, d'ailleurs peu importante dans cette vue, la direction d'observation n'étant pas plongeante comme pour le bouquet de fleurs ci-dessus.
Cependant, il ne suffit pas de citer cette possibilité: il faut la montrer comment elle aurait pu être utilisée..
 
6 Dyna Lens d'Arstream
Si beaucoup de programmes de retouche tel que Gimp proposent des filtres de déformation simulant la vision à travers un verre, Artstream, comme il a déjà été dit, semble être le seul à le proposer en vectoriel.
Sans l'aide de Howard Luby, créateur du logiciel, il m'aurait été impossible de mettre cette fonction en oeuvre tant la démarche est peu intuitive. Ce n'est pas un reproche: dériver une fonction mathématique n'est pas non plus intuitif; il faut en connaître les mécanismes, c'est tout.
 
6.1 Sélectionner la lentille.
En premier lieu, il convient de créer l'objet qui servira de loupe, ou de le sélectionner s'il existe déjà. Dans notre exemple, l'objet existe: il s'agit de la flaque bleutée.
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6.2 Placer la lentille en premier plan.
Il est évident que le "verre" déformant à travers lequel sont vus les autres objets doit se trouver au-dessus. Il suffit donc de le copier par >Edit>Paste in Front.
L'objet se place exactement à la place de l'original, ce que l'on constate par un assombrissement de l'eau (deux objets transparents se superposent)
 
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6.3 Sélectionner les objets concernés.
Il convient d'indiquer maintenant au système quels sont les objets qui subiront une "déformation optique". Plutôt que de les sélectionner un à un, il est préférable d'utiliser un cadre de sélection. Or tous les objets touchés par ce cadre seront pris en compte, même le fond rouge, ce qu'il ne faudrait pas. Pour éviter cela, on le verrouillera dans la palette "Object -manager" en cliquant sur le cadenas ouvert qui se fermera alors.
 
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Dès lors, la sélection peut être effectuée en traçant un rectangle tel que sur la figure suivante:
 
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Le résultat de la sélection apparaît tel que ci-dessous:
 
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6.4 Créer la lentille
Ceci est obtenu en activant la fonction >Object>Mask/lens>Make
En conséquence de l'action, les éléments sélectionnés "disparaissent" comme lors d'une commande "Masque" dans d'autres logiciels.
 
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6.5 Donner des propriétés à la lentille.
En premier lieu, il convient de désélectionner les objets concernés par la lentille, et de ne sélectionner que celle-ci. La choses est rendue aisée par le fait que l'objet lentille a été déposé au premier plan (paste in front). Il suffit donc de cliquer dessus.
L'image change alors de nouveau: les éléments désélectionnés disparaissent vraiment de l'image, mais pas de panique. Cela vient du fait que dans la boîte de dialogue Paint, l'option "Mask enabled" est activée par défaut.
 
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Pour paramètrer la lentille, 4 opérations sont nécessaires:
-Décocher Mask enabled
-Cliquer sur Add
-Activer Transform dans le sous-menu qui apparaît
-Indiquer les niveaux de transformation désirés dans la nouvelle boîte de dialogue, OK
-Dans Vector Filters apparaît Mediascape/Transform et l'image est modifiée
 
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En double cliquant sur Mediascape/Transform, qui se trouve en vidéo inverse, on active la boite de dialogue des transformations; les changements de valeur suivis de OK, remettent à jour l'image concernée.
Ci-dessous, différents effets obtenus avec des paramètres différents
 
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Et voici l'image avec un effet de réfraction admissible (param 1.1, 0. 0.01, 0.01):
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7 Conclusion
 
Il apparaît encore une fois que le réalisme exige une observation des phénomènes naturels que l'on cherchera à représenter. Lorsque les outils permettent de les reproduire, la difficulté réside seulement dans leur utilisation correcte.
Lorsque les outils n'existent pas, il conviendra de pallier ce manque en simulant ce qu'ils auraient produit; un peu d'astuce, c'est à dire d'imagination, sera nécessaire.
Mais n'est-ce pas là l'essence même de toute création artistique? L'imagination qui prend corps.
Et merci à Howard Luby, qui, par ses conseils, m'a permis de donner du corps à la réfraction des larmes de Tuxy.
 
André PASCUAL
<andre@linuxgraphic.org>