Debian : l'envers du décor

Après quelques retards successifs, la distribution Debian 2.1 vient de sortir. Cet article se propose d'explorer les coulisses de la production de cette distribution un peu moins connue que certaines de ces grandes soeurs, mais qui ne manque pas de qualités.

 

Debian a été fondé en Août 93 par Ian Murdock, alors jeune étudiant à l'université de Purdue. Pour l'anecdote, le nom Debian vient de la contraction du prénom de sa petite amie (Debra) et du sien.

Le projet sera sponsorisé financièrement par la Free Software Foundation de novembre 1994 jusqu'en novembre 1995. Ian Murdock quittera la tête du projet en mars 1996 pour être remplacé par Bruce Perens, et ce 3 mois avant la sortie de la première Debian non-beta en juin : la version1.1. S'enchaîneront ensuite les versions 1.2 (décembre 96), 1.3 (juillet 97), 2.0 (juillet 98) et 2.1(mars 99).

Debian est devenu un gros projet de dimension internationale comprenant actuellement 400 personnes environ. La société "Software in the Public Interest" (SPI) de type 501(c)(3) a dû être créée pour donner une existence réelle au projet, lui permettre de recevoir des donations et de gérer les acquis du projet (comme les machines et les marques déposées).

A ses débuts, Debian a été créé pour corriger les défauts d'une des rares distributions de l'époque (la SLS de Peter McDonald), qui n'était plus mise à jour. Alors que Patrick Volkerding choisira de se baser sur la SLS pour démarrer sa distribution Slackware, Ian Murdock a choisi de repartir à zéro en faisant certains choix qui sont toujours d'actualité aujourd'hui, à savoir :

- La distribution est constituée à 100% de logiciels libres.

- Dans la tradition des outils "GNU", il ne sera pas fait de compromis vers la convivialité si ceci doit se faire au détriment de la puissance.

Pour revenir sur le premier point, Debian est la seule distribution à s'engager auprès de ses développeurs et utilisateurs par un contrat social (disponible sur :

http://www.fr.debian.org/social_contract

Les points principaux de ce contrat sont les suivants :

- Debian demeurera un ensemble logiciel totalement libre.

Un système Debian, non seulement ne sera constitué que de logiciels libres, mais il sera suffisant pour se "re-créer à partir de lui-même", c'est-à-dire qu'aucun outil (compilateur, etc...) non libre ne devra être indispensable pour créer le système de base.

- Debian donnera en retour à la communauté du logiciel libre.

Tout le code développé spécifiquement pour Debian (dpkg, le système de Bug Tracking, etc...) sera du logiciel libre (le plus souvent GPL).

- Debian ne dissimulera pas les problèmes et bugs éventuels de ses distributions.

Les bugs, trous de sécurités et problèmes divers ne seront pas dissimulés.

Quelle est la définition du "logiciel libre" tel que ce terme est utilisé plus haut ? Pendant longtemps le terme "logiciel libre" (Free Software) était utilisé sans être formellement défini ce qui posait fréquemment problème. Si les logiciels sous licence GPL, BSD, Artistic sont clairement libres, il existe malheureusement un certain nombre de logiciels qui utilisent leur propre licence, ce qui devient rapidement un casse-tête pour les développeurs Debian. En 1997, ceux-çi ont donc rédigé un document donnant la définition (selon Debian) des conditions dans lesquelles un logiciel peut ou non être accepté dans la distribution principale Debian. Cette définition a, ensuite, été reprise sous le nom d'Open Source Definition.

Une autre particularité du mode de développement de Debian est qu'il est totalement ouvert au regard de tous; à savoir :

- Toutes les décisions techniques sont discutées sur des listes de diffusion publiques,

- Tout le monde peut devenir développeur pour Debian. Il suffit pour cela de fournir une preuve de son identité et sa clé PGP,

- Tous les bugs et problèmes sont automatiquement postés sur le site web de Debian au fur et à mesure qu'ils sont rapportés. Ce système garanti à l'utilisateur final qu'aucun problème n'est"dissimulé" (dissimulation malheureusement trop courante chez la plupart des éditeurs de logiciels).

La liste complète est disponible "on-line" sur http://www.debian.org/Bugs/. Le logiciel utilisé pour gérer ce système s'appelle debbugs. Il a été développé à l'origine spécifiquement pour Debian, mais il est actuellement utilisé par d'autres projets comme GNOME ou KDE.

Quelques particularités de Debian :

Chaque distribution Linux a ses petites particularités, et Debian n'échappe pas à la règle. Il serait difficile de toutes les énumérer ici, mais voici celles qui sont en général les plus appréciées :

Apt (A Package Tool) est un front-end très puissant pour dpkg. Il suffit de donner dans son fichier de configuration l'emplacement des archives Debian disponibles (par exemple, d'abord le CD-ROM, ensuite ftp.monmiroir.fr/debian, puis ftp.debian.org/debian), et Apt pourra ensuite être utilisé très simplement à partir de la ligne de commande. Par exemple, la commande apt-get install enlightenment va rechercher dans les archives Debian disponibles la version la plus récente d'enlightenment ainsi que des éventuels paquetages dont il dépend qui ne seraient pas encore installés, puis télécharger ces paquetages, les installer et les configurer (tout cela avec une simple ligne de commande). Autre exemple classique d'utilisation: la commande apt-get dist-upgrade va mettre à jour tous les paquetages installés sur votre machine et va également installer les éventuels nouveaux paquetages requis. C'est cette simple commande qui va mettre votre système à jour (de Debian 2.0 en 2.1 par exemple) tout en conservant vos fichiers de configuration existants.

Tous comme les fichiers RPM, chaque paquetage Debian peut utiliser 4 scripts pour aider à son installation/configuration et à sa désinstallation. Par contre les scripts Debian ont l'avantage de pouvoir être interactifs et poser des questions à l'utilisateur. Par exemple, le script d'installation desendmail vous posera quelques questions ("Quel est votre nom de domaine ?", "Utilisez-vous un relais de messagerie ?", "La machine sera t-elle connectée à Internet en permanence?", etc...) qui font que, dès l'installation du paquetage, le daemon sendmail sera automatiquement lancé et sera fonctionnel. Il en va de même pour tous les paquetages qui nécessitent un fichier de configuration non-trivial à éditer à la main (apache, exim, etc...).

Parmi les autres petits "plus" qui pourront vous faire apprécier cette distribution, notons également que :

- Debian 2.1 supporte officiellement 4 architectures (Intel, Motorola 68k, Digital Alpha, Sparc) ; sont en préparation pour la version suivante les architectures ARM (pour Acorn RiscPC et CorelNetwinder), UltraSparc et PowerPC.

- Debian est la seule distribution stable non développée par une société.

- Inclus : un nombre de paquetage largement supérieur à toutes les autres distributions. Debian 2.1 contient 2650 paquetages, la version en cours de développement (future 2.2 ou 3.0) en contient déjà plus de 3150.

Soyons honnêtes, Debian comme toutes les autres distributions a aussi ses petits inconvénients. Parmi eux, citons:

- Pas de garantie sur la fréquence des nouvelles versions : la nouvelle version sort quand elle est prête et pas avant. Aucun impératif commercial n'influe sur la date de sortie. De ce fait, les distributions Debian ont toutes été en retard par rapport aux dates annoncées.

- La procédure d'installation un peu moins conviviale que celle des autres distributions (même si cela est en train de changer progressivement).

- Cette distribution étant moins répandue et un peu moins connue, les logiciels commerciaux ne sont souvent disponibles qu'au format RPM (bien que cela ne soit qu'un demi-problème étant donné que Debian contient le programme alien qui permet de convertir les archives rpm au format Debian).


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