On savait déjà que le modèle libre ne plaisait pas à tout le monde. Aujourd'hui, une nouvelle arme de destruction massive des libertés est sur le point d'être mise en oeuvre : les brevets sur les logiciels. Si le Parlement européen adopte cela, il pourrait bien s'agir de la pire des épreuves que devront subir des milliers de programmeurs en Europe.
Pour commencer, citons Richard M. Stallman dans Linux Today le 17/05/99 :
"Imaginez que, à chaque fois que vous prenez une décision sur l'architecture logicielle et spécialement lorsque vous utilisez un algorithme que vous avez vu dans un journal ou que vous implémentez une fonctionnalité réclamée par les utilisateurs, vous risquiez un procès."
"C'est ce qui se passe aux USA à cause de brevets sur les logiciels. Cela risque d'être bientôt le cas aussi en Europe. Les pays qui gèrent le Bureau des brevets européens, financés par les grandes compagnies et encouragés par les avocats spécialisés en brevets, sont en train d'autoriser le brevetage d'algorithmes mathématiques."
Inutile de nommer les sociétés mises en cause : celles-ci disposaient déjà d'une gamme impressionnante de méthodes pour détruire la concurrence :
- des protocoles et des "standards" internes tenus secrets, changeant en permanence et ne respectant pas les normes internationales (voyez ce qui s'est passé avec Java par exemple). Heureusement pour nous, en Europe, il est autorisé de décompiler un logiciel à des fins d'adaptation. Cette arme ne fonctionne donc pas correctement sur le Vieux Conti nent.
- des rachats de sociétés. Cette méthode opère parfaitement car, dès qu'une petite société est innovante et prend de l'ampleur sur un marché, un "gros" de l'industrie informatique la rachète. Encore une fois, cela ne fonctionne pas pour les logiciels libres, qui appartiennent à la communauté. Il est donc impossible de les racheter à quelqu'un.
Comment donc se débarrasser de la concurrence des logiciels libres ? Impossible à racheter, le logiciel libre réutilise des standards qu'on ne peut garder secret bien longtemps (en Europe).
Les 24 et 25 juin, les pays signataires de la Convention de Munich vont tenter d'adopter un système de propriété intellectuelle qui, naturellement, n'a rien en commun avec le logiciel libre. Ils veulent mettre en place un système de brevets sur les logiciels. Pour être clair, lorsqu'un programmeur créera un logiciel (libre ou non), il foulera sans le savoir au moins un des quelques milliers de brevets déjà déposés.
Vous en doutez ? Aux Etats-Unis et au Japon, près de 50 000 brevets sont déposés chaque année. Ceux-ci concernent des algorithmes avancés, mais également des parties insignifiantes de logiciel comme une corbeille, un curseur, l'organisation générale d'une interface...
Bien sûr, ceci empêchera la contrefaçon et la copie entre "gros" éditeurs de logiciels, mais cela va également tuer le développement du logiciel libre et les milliers de petites PME. Pourquoi ? Simplement parce que le détenteur du brevet ne se privera pas d'attaquer la personne ou la société, même pour une raison injustifiée, simplement pour se débarrasser de la concurrence.
Vous commencez à comprendre ? Ce n'est pas fini, avec tous les brevets déjà déposés, comment en déposer un nouveau ? Comment définir qu'une chose est nouvelle alors qu'elle risque à coup sûr de réutiliser un brevet déjà déposé ? Implicitement, cela signifie une chose : ceux qui détiennent déjà le plus grand nombre de brevets vont faire évoluer leurs logiciels et les autres seront voués à la disparition. Selon une vision pessimiste, à terme, il ne restera plus qu'une seule société : celle qui aura racheté les concurrents et leurs brevets après avoir englué leur développement en toute légalité.
De grandes sociétés comme Adobe ou Oracle ont déjà compris le danger potentiel et ont signalé leur opposition. Lorsque vous lirez ces lignes, le train sera peut-être déjà en route, mais nous ne disparaîtrons pas sans combattre. Informez-vous et faites part de votre mécontentement à ceux qui prennent les décisions.
Liens
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